
Suivi à 10 ans des nodules thyroïdiens bénins traités par radiofréquence
Dr Gilles Russ
Centre de Pathologie et d’Imagerie, Paris, 75014
Hôpital La Pitié-Salpêtrière, Service des Pathologies Thyroïdiennes et Tumorales Endocrines, Paris, 75013
REVUE DE
Sang Ik Park | Jung Hwan Baek | Da Hyun Lee,3 | Sae Rom Chung | Dong Eun Song,4 | Won Gu Kim,5 | Tae Yong Kim,5 | Tae-Yon Sung,6 | Ki-Wook Chung,6 | Jeong Hyun Lee1
THYROID Volume 34 | Number 8, 2024 | ª Mary Ann Liebert, Inc. | DOI: 10.1089/thy.2024.0082
KEY POINTS
La radiofréquence des nodules thyroïdiens bénins a une efficacité démontrée sur la réduction volumétrique avec un suivi de 10 ans. Il est néanmoins nécessaire de poursuivre la surveillance car un nouveau traitement est assez souvent indiqué.
MOTS-CLÉS
Radiofréquence | Nodule | Bénin
ABSTRACT
Background: Longer follow-up a er radiofrequency ablation (RFA) of benign thyroid nodules is needed to understand regrowth and other causes of delayed surgery and long-term complications.
Methods: This retrospective study included consecutive patients treated with RFA for symptomatic benign nonfunctioning thyroid nodules between March 2007 and December 2010. RFA was performed according to the standard protocol. We followed up patients at 1, 6, and 12 months, then yearly, until August 2022, and calculated the volume reduction ratio (VRR) at each follow-up. We assessed the incidence of regrowth according to three published criteria, delayed surgery, and complications. The Kaplan–Meier method was used to evaluate the cumulative incidence of regrowth, and univariable and multivariable Cox regression analyses were performed to identify risk factors for regrowth.
Results: This study included 421 patients (mean age, 47– 13 years; 372 women) with 456 nodules (mean volume, 21– 23 mL). The median follow-up period was 90 months (interquartile range, 24–143 months). The mean VRR was81%at2years, 90% at 5 years, and 94% at ‡10years. Overall regrowth was noted in12%(53/456) of nodules and was treated with repeat RFA (n = 33) or surgery (n = 4) or left under observation (n = 16). Thyroid nodules with ‡20 mL initial volume had significantly higher risk of regrowth compared with nodules with <10 mL initial volume (hazard ratio, 2.315 [95% confidence interval, 1.183–4.530]; p = 0.014 on multivariable Cox regression analysis). Delayed surgery was performed in 6% (26/421) of patients because of regrowth and/or persistent symptoms(n =4)or newly detected thyroid tumors (n = 22), one benign and 21 malignant.Theoverall complication rate was2.4%(10/421), with noprocedure-related deaths or long-term complications. Methods: This retrospective study included consecutive pa ents treated with RFA for symptomatic benign nonfunctioning thyroid nodules between March 2007 and December 2010. RFA was performed according to the standard protocol. We followed up pa ents at 1, 6, and 12 months, then yearly, un l August 2022, and calculated the volume reduction ra o (VRR) at each follow-up. We assessed the incidence of regrowth according to three published criteria, delayed surgery, and complications. The Kaplan–Meier method was used to evaluate the cumulative incidence of regrowth, and univariable and mul variable Cox regression analyses were performed to identify risk factors for regrowth.
Conclusion: RFA is safe and effective for treating benign thyroid nodules, with a high VRR at long-term followup. Regular follow-up after initial success is warranted because of the possibility of regrowth of ablated nodules and the need for delayed surgery in some patients.
COMMENTAIRES
Contexte : l’intérêt principal de cette étude et de nous apporter des renseignements sur l’efficacité et la sécurité à long terme du traitement par radiofréquence des nodules
thyroïdiens bénins. En effet, la plupart d’entre eux sont à croissance lente et par conséquent leur récidive se fait souvent sur un mode lent, qui ne peut être apprécié qu’avec des années de recul. Jusqu’ici, on disposait essentiellement de l’étude de Stella Bernardi et collègue (Thyroid 2020) avec un recul de cinq ans. Il s’agit à ma connaissance de la première étude avec 10 ans de recul pour la radiofréquence.
Résultats : L’étude a inclus 456 nodules chez 421 patients avec un volume nodulaire moyen de 21 ml et un suivi médian de 90 mois. La réduction volumétrique s’améliore avec le temps puisqu’elle est de 81 % à deux ans et 94 % à 10 ans. Une repousse nodulaire a été observée dans 12 % des cas, ne nécessitant pas toujours un nouveau traitement ou une reprise chirurgicale. Le taux de complications global a été estimé à 2,4 %. Les données brutes sont donc en faveur d’une efficacité très satisfaisante avec un taux de complications faible.
Les auteurs ont défini la guérison comme l’absence de changement d’une lésion hypoéchogène aplati mesurant moins de 0,5 cm³ avec une réduction volumétrique de 90 %, sans vascularisation détectable et sans symptomatologie fonctionnel ou gène esthétique. Cet objectif qui pourrait être considéré comme le Graal de nos traitements par radiofréquence n’a été atteint que dans 18 % des cas.
La réduction volumétrique était fortement dépendante du volume initial et il s’agissait du seul facteur prédictif d’efficacité. Elle était de 99 % pour les nodules de moins de 10 ml mais de 81 % pour les nodules de + de 20 ml. – De la même façon, les nodules de plus de 20 ml avaient un risque de repousse supérieur aux nodules de moins de 10 ml. La vascularisation, l’échostructure et l’énergie déposée n’ont pas été trouvés comme des facteurs prédictifs de repousse. Il faut donc bien informer les patients de ce risque de récidive pour beaucoup des nodules que nous prenons en charge. La repousse peut être observée dès la fin de la deuxième année mais son incidence cumulative continue à augmenter avec chaque année de surveillance. On ne peut donc interrompre la surveillance des pa7ents. Le taux de repousse observé était de seulement 12 %, inférieur à celui constaté dans le papier avec un recul de cinq ans de Bernardi cité plus haut, de l’ordre de 20 %. Celui-ci est plus proche de notre pratique.
L’analyse détaillée du tableau 1 permet de savoir que 42 % des nodules ont nécessité plus d’une session de radiofréquence, ce qui est considérable et explique très probablement en grande partie les très bons résultats observés par cette équipe, que ce soit en matière de réduction volumétrique ou de taux de repousse. Cette étude est bien entendu discutable puisqu’elle engendre un surcoût sociétal non négligeable d’une part et d’autre part un risque de complications majoré puisqu’il s’additionne à chaque session.
Concernant les complications, elles sont considérées comme majeures uniquement si elles sont persistantes dans le temps en en entraînant une nouvelle hospitalisation ou des séquelles long terme. Avec cette définition, taux de complications majeure est de seulement 1 % et il s’agit uniquement de dysphonie. Toutes les autres complications ont été considérées comme mineures et leur taux est de 1,4 %. On note que les dysphonie transitoires ne sont même pas considérés comme des complications ou des effets secondaires. Très curieusement, aucune rupture nodulaire n’est rapportée.
Sur le plan méthodologique, il s’agit d’une étude rétrospective mais avec des patients consécutifs. Nous ne disposons pas du nombre de perdus de vue dans l’étude, or il est impossible d’imaginer qu’il n’y en ait pas. Ceci est un problème récurrent d’un très grand nombre de publications et il est étonnant que les reviewers ne soient pas plus attentif à cette donnée. De plus, il est difficile de décrypter dans l’étude qu’elle est exactement le nombre de patients encore suivis avec un délai de 10 ans.
Enfin, parmi les nodules traitées par radiofréquence et qui ont finalement été opérés, 10 cas de cancers, essentiellement de type folliculaire, ont été observés. Ceci est en accord avec les séries antérieures et il faut donc informer les patients qu’il existe un risque faible mais non négligeable, de l’ordre de 2 % environ que malgré deux cytoponctions bénignes, comme dans cette série, le nodule soit authentiquement un cancer mais peu agressif.